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Black Anima de Lacuna Coil ou la lumière des ténèbres.

Black Anima. Comme un bon roman, un bon album a toujours un titre énigmatique. Dans ce nouvel opus, le groupe de métal Lacuna Coil a décidé d’explorer notre côté obscur et cette nouvelle direction leur va comme un gant.Delirium (le précédent opus) annonçait déjà la couleur, avec une musique plus dure et la voix de Cristina repoussant ses limites afin de nous plonger dans la folie. Dans la lignée de son prédécesseur, Black Anima est un chef d’œuvre. Il faudrait être aveugle, sourd ou totalement stupide pour ne pas s’en apercevoir.Voilà enfin un album-monde, une porte entrouverte sur nos ténèbres intérieurs. Black Anima, si l’on en croit les interviews, est né dans la douleur et dans le deuil et il est une carthasis. Cet opus nous permet d’affronter nos émotions les plus noires et de nous en libérer.L’attention au détail est manifeste autant dans la musique que dans les visuels. Les photos du groupe ont été créées par une artiste milanaise, Elena Cunene Zenotti et les jeux d’ombre et de lumière rappellent les peintures de Georges De La Tour.La production et les musiciens sont excellents. Cristina a tour à tour la voix de l’ange et le tranchant d’une lame.Plusieurs chansons se démarquent sur l’album.Anima Nera ouvre l’album. Elle est un chant de désolation où des guitares spectrales tandis que la voix de la chanteuse répète une phrase en italien comme pour l’exorciste. »Cosa ne rimane Della Mia Anima nera ? « (Que reste-t-il de mon âme noire ?)Apocalypse, avec son introduction à l’orgue, nous invite à nous confesser dans une église infernale où le mensonge est la seule vérité.Save me est une balade qui résonne comme un appel au secours.Reckless est un envoûtement et dès la première écoute, on ne peut plus échapper à sa mélodie.Veneficum (empoisonnement), qui débute avec un chant en latin, est une apothéose. C’est une invitation à se battre en dépit des obstacles et des moments de désespoir.Jean-Paul Sartre à écrit « l’enfer, c’est les autres », en écoutant Black Anima, je dirais plutôt qu’il est en nous. Nous sommes tous des océans d’amour et de souffrances, des tempêtes et des vents contradictoires.Black Anima est sans doute l’album le plus abouti du groupe et si demain devait être la fin du monde, ce serait ma bande son.

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Le Début de la Faim de Nil Borny

Je ne commencerai pas cette chronique en remerciant l’auteur. Mon fils de quatre ans est maintenant obsédé par les zombies. Tout d’abord traumatisé par la couverture du livre au point de devoir me cacher quand je le lisais, Hugo n’arrête pas de me poser des questions à leur sujet.
— Maman, c’est quoi un zombie?
— Alors, mon chéri, c’est quelqu’un qui est mort et vivant.
— Pourquoi est-ce qu’il est mort et qu’il est encore vivant ?
— Euh..
— Dis, maman toi aussi un jour tu vas devenir un zombie ? Est-ce que je vais devenir un zombie ? Et le chat ? Et celui du voisin ?

Pour le coup, j’aurais presque eu envie de lui expliquer comment faire des bébés. J’ai aussi prié pour qu’il ne pose pas la question du zombie à la maîtresse et qu’elle contacte les services sociaux…
Revenons à la chronique. Mon expérience des zombies se limitait au clip de Michael Jackson, Thriller. Cependant, je dois dire que j’ai passé un très bon moment. De l’action, des sentiments et beaucoup, beaucoup d’humour. Le tour est joué ! Nil vous embarque dans une aventure folle avec de méchants zombies mais surtout énormément d’humanité. Les points forts du livre ? La tendresse que l’auteur porte à ses personnages Très vite, on s’attache à eux. D’ailleurs, je soupçonne Louis d’être le double livresque de Nil. Comme dans les meilleurs livres, on rit, on ressent et on réfléchit.
Je n’aurais jamais pensé qu’un livre avec des zombies me fasse autant cogiter. Imaginez-vous un instant qu’on vous morde et que votre vie s’efface peu à peu devant vous. Nous pensons tous avoir la vie devant nous mais le seul moment qui compte est le présent. Alors à la fin de cette chronique, faîte-moi plaisir. Dites aux gens qui vous sont chers à quel point vous les aimez. Oubliez toutes les petites disputes qui pourrissent le quotidien. Parce qu’il n’y aura peut être jamais de demain. J’ai presque pleuré pour ces hommes et ces femmes dans le roman qui voient leurs souvenirs disparaître dans le néant, parce qu’ils font de nous ce que nous sommes.
Je dirais que la force de Nil Borny réside dans cette capacité à nous offrir de la franche rigolade et du vraiment profond. Bien sûr, je recommande son roman et muée par une faim sans fin, je m’en vais dévorer le second tome…

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Secrets (nouvelle)

nouvelle secrets

Vingt-deux heures trente. Pas une âme qui vive sur le campus de l’université.
Le Docteur Éva Lindle soupira. Le mois de mai était la pire période de l’année où il fallait corriger une centaine d’essais médicaux, rédigés par des étudiants en attente d’un verdict. Passeraient-ils leur année ? Serait-ce la vie ou la mort d’une future carrière de médecin ?
Quatre-vingt-quinze, plus que cinq !
La jeune femme regarda par la fenêtre. Ces dernières dissertations pouvaient bien attendre demain. Elle éteignit son ordinateur portable et enfila sa veste. La température semblait s’être rafraîchie d’un coup. Le vieux bâtiment de la faculté de médecine, avec ses murs épais et humides datant du Moyen-Age, donnait naturellement la chair de poule. On aurait dit une prison. Éva ferma son bureau à clé. Le couloir mal éclairé était sombre et désert. D’habitude, le Docteur Lindle, un esprit rationnel, n’était pas du genre à écouter ses craintes ou ses angoisses. Ce soir, cependant, l’atmosphère des lieux lui paraissait différente. La lumière du corridor faiblit brutalement en crépitant.
J’entends un murmure. Des pleurs d’enfant ! À cette heure-ci ? Dans un lieu pareil ? Pourtant, je les entends clairement.
Une petite fille accroupie – et de dos – se tenait devant elle. Elle sanglotait.
— Je suis le Docteur Lindle, je peux t’aider. Qu’est-ce que tu fais-là ? dit Éva en s’approchant doucement pour ne pas lui faire peur.
Les pleurs de la gamine étaient de plus en plus forts. Dans un geste de réconfort, la jeune femme posa sa main sur son épaule. La peau était froide et dure. La fillette se retourna. Le Docteur Lindle sursauta puis cria, horrifiée. Ce n’était pas le visage de la traditionnelle petite fille. Ses yeux étaient blancs, la carnation du visage était grise et des filets de sang s’échappaient des commissures des lèvres. Éva réalisa avec horreur que la gamine ne tenait pas un poupon dans ses mains. Non, elle dévorait…un fœtus !

Le Docteur Lindle se réveilla en sursaut et en sueur. Il lui fallut une bonne dizaine de minutes pour retrouver son souffle. Hugo dormait paisiblement à ses côtés. En évitant soigneusement de le réveiller, elle sortit du lit et descendit pour s’installer dans la cuisine.
Quel cauchemar ! Tout avait l’air si réel. Aucune chance de retrouver le sommeil après de telles images !
Éva se prépara une tisane. La pendule de la cuisine avec ses paisibles cliquetis indiquait trois heures du matin. Elle sentit deux mains se poser tendrement sur ses épaules. Hugo l’avait rejointe. Il s’assit en face d’elle.
— Tout va bien ?
— Un cauchemar. Ça ira mieux dans quelques minutes.
— Tu as l’un des métiers les plus difficiles au monde. Et si on en parlait ?
Éva lui prit doucement la main.
— Allons plutôt nous coucher. Ce n’est qu’un mauvais rêve, rien de plus, répondit-elle à moitié convaincue.

Des voitures de police stationnées sur le parking de l’université de médecine de bon matin étaient un spectacle assez inhabituel. Décidemment, cette journée commençait plutôt fort. Le Docteur Lindle arriva devant la porte d’entrée où un signe annonçait l’annulation des cours pour la journée. Elle s’apprêtait à pénétrer dans le bâtiment quand un officier de police l’en dissuada.
— Je suis désolé Madame mais personne n’entre.
— Je suis professeure dans cette université, voici ma carte.
Le policier allait protester quand il fut interrompu par le Capitaine Charlotte Legrand.
— Martin, laissez-moi parler à la dame.
Le capitaine de police et le médecin légiste se connaissaient bien. Elles avaient travaillé ensemble sur plusieurs affaires et s’appréciaient mutuellement.
— Charlotte, que se passe-t-il ? demanda le Docteur Lindle.
— Tout ce que je peux dire, c’est que je n’ai pas décidé soudainement d’étudier la médecine.
— Il y a eu un meurtre ?
— C’est la grande tragédie de ma vie ! Là où je débarque la mort n’est jamais loin, Docteur Lindle ! répondit Charlotte Legrand avec un grand sourire.
— Pourquoi personne ne m’a appelée ? s’exclama le Docteur Lindle avec une pointe de mauvaise humeur.
Charlotte parut embarrassée.
— Éva, un autre médecin légiste est sur cette affaire. Elle est d’ailleurs en retard, coincée sur l’autoroute. Ça fait une demi-heure qu’on l’attend.
— Chaque minute compte sur une scène de crime ! Et je suis là, parfaitement qualifiée. Dois-je te rappeler qu’on a déjà travaillé ensemble ? Il ne me faudra que quelques minutes pour récupérer mes affaires.
Le Capitaine Legrand parut réfléchir. Le Docteur Lindle avait raison. Plus une scène de crime était « fraîche », plus elle était en mesure de dévoiler ses secrets.
— Le Docteur Salvarez n’avait qu’à être à l’heure ! Tu as mon feu vert, Éva.

Une scène de crime est un ensemble de hiéroglyphes qu’il faut savoir déchiffrer. Dans l’amphithéâtre, le corps gisait sur le bureau destiné au professeur et qui se trouvait face aux gradins. L’abdomen et la cage thoracique de la victime étaient ouverts, les entrailles étaient exposées. L’image que le Docteur Lindle avait sous les yeux était particulièrement violente. L’œil expérimenté pouvait constater que le meurtrier avait des connaissances anatomiques poussées. Le travail était « propre ». La jeune femme revêtit des gants. En s’approchant du cadavre, elle remarqua la fameuse incision en Y, procédure standard lors d’une autopsie. Le sang était omniprésent et en vaste quantité. Il s’agissait d’un homme. L’apparence tannée de sa peau, prématurément âgée, semblait indiquer une consommation excessive d’alcool. Les yeux étaient exorbités – cornées opacifiées – et fixaient le vide. La bouche était grande ouverte. On pouvait aisément imaginer des cris de douleur s’en échappant.
Pendant quelques secondes, le Docteur Lindle eut l’impression de connaitre le décédé avant de se reprendre et de continuer son analyse. Le corps était en pleine rigor mortis, ce qui signifiait que la mort avait eu lieu entre six et douze heures. Les liens, qui maintenaient la victime immobile durant son supplice, étaient incrustés dans la chair. L’homme s’était ardemment débattu. Le mort portait toujours sa veste de costume, le meurtrier avez découpé les habits au niveau du torse pour effectuer sa besogne des plus macabres. Éva fouilla les poches et finit par trouver un portefeuille. Un permis de conduire révéla l’identité du cadavre. La main du Docteur Lindle se mit à trembler. Après tant d’années, ce n’était pas possible. Docteur John Reynolds.
Soudan du Sud, mars 2010
Camp de réfugiés de Salam. Clinique d’urgence bâtie et dirigée par l’ONG britannique « Hope for a New World » …
Éva secoua la tête. Des cris l’interrompirent dans ses souvenirs.
— Capitaine Legrand, faites dégager cette femme de ma scène de crime ! Si vous êtes aussi laxiste avec le reste de l’enquête, ça promet !
Charlotte protesta.
— Vous étiez en retard Docteur Salvarez et le Docteur Lindle est un excellent médecin légiste…
— Je m’en fous et m’en contrefous, vous m’entendez ? Elle n’a rien à faire ici !
Éva s’approcha en souriant et essaya de désamorcer le conflit.
— Bonjour, ravie de vous rencontrer. Je suis le Docteur Lindle et je ne cherchais qu’à vous aider. J’ai pris quelques notes que vous pouvez utiliser si vous le désirez.
— Pas la peine, je recommence tout à zéro, rétorqua sèchement le Docteur Salvarez.
— Comme vous voudrez, répondit le Docteur Lindle en ôtant ses gants médicaux.
Le Docteur Camilla Salvarez devait avoir à peine la trentaine. Brune et élancée, la jeune femme avait dans le regard une lueur qui laissait deviner un goût prononcé pour le carriérisme et l’ambition.
— Docteur Lindle ! appela Charlotte alors que son amie venait de quitter l’amphithéâtre. Attendez-moi ! Je suis désolée…
— Ça va aller, protesta Éva et elle continua son chemin.

Une fois dans son bureau, Éva Lindle se laissa tomber dans son fauteuil et ferma les yeux. Le cauchemar ne s’était pas arrêté à trois heures du matin, il continuait.
Soudan du Sud, mars 2010.
Camp de réfugiés de Salam. Clinique d’urgence bâtie et dirigée par l’ONG britannique « Hope for a New World ». Le Soudan, un pays déchiré tant de fois par des conflits politiques, religieux, ethniques et territoriaux. La chaleur. La foule. La misère, la faim et la maladie. Et des médecins volontaires qui tombent des nues quand ils réalisent leur manque de moyen. Les journées sont rythmées par une lutte constante contre la mort et les violents affrontements qui éclatent entre les différentes ethnies. Des enfants courent, d’autres pleurent sans avoir nulle part où aller.
— Une mission humanitaire ? Tu n’es pas sérieuse, Éva ! Je pensais que ta priorité était de sauver notre couple, avait lancé Jamie avec une certaine méchanceté, la veille de son départ.
La jeune femme avait dévisagé un temps son époux, qui avec sa carrure athlétique, sa mâchoire carrée et ses allures de James Dean incarnait le parfait séducteur. Jamie en avait parfaitement conscience et il avait bafoué plus d’une fois ses vœux de mariage. Infidèle, égoïste et même superficiel, Éva s’était souvent demandé comment elle avait pu en tomber amoureuse.
Elle finit par répondre, sarcastique :
— De toute manière, je ne m’attendais pas à ce que tu comprennes. Puisque notre union ressemble de plus en plus au naufrage du Titanic, je me suis dit qu’au moins je pouvais encore essayer de sauver le monde ! Je pars pour un mois. Crois-moi, tu survivras. Que tu le veuilles ou non, ma décision est prise.
L’hypocrisie de Jamie avait atteint le summum. Son mari, avait-elle appris par la suite, avait profité de ces quatre semaines pour s’envoyer en l’air avec sa maitresse en toute impunité.

Le Docteur Lindle secoua la tête. Elle se sentait lasse et les effets de son manque de sommeil se faisaient sentir. La jeune femme alluma son ordinateur et ouvrit les cinq essais qui lui restait à corriger. Tout faire pour éviter de se replonger dans les méandres d’un passé qu’elle tentait d’oublier.

Charlotte Legrand disait toujours ce qu’elle pensait sans se préoccuper des formes.
— Je peux vous poser une question ? Quel est votre problème, Docteur Salvarez ? demanda brusquement le Capitaine Legrand.
— Pardon ?
— Le Docteur Lindle voulait juste vous aider. Vous l’avez accueillie avec autant de chaleur que la Reine des Glaces avant de la traiter comme une pestiférée.
Le Docteur Salvarez ne se laissa pas déconcerter par les commentaires de la policière.
— J’apprécie quand les gens connaissent leur place. Je suis le médecin légiste dans cette affaire, elle est professeure d’université en ce qui me concerne. Puis, contrairement à vous, je ne mélange jamais le personnel et le professionnel. Parlons de la scène de crime pour changer, c’est un peu le but ma présence, non ? La mort remonte entre six et douze heures, comme nous l’indique la rigidité cadavérique. La victime a été éventrée à l’aide d’un scalpel retrouvé sur les lieux du crime. Pas d’empreinte digitale, le meurtrier a utilisé des gants. Les vastes quantités de sang ainsi que les projections, nous suggèrent que le pauvre homme était encore vivant lors de son supplice. Plusieurs détails indiquent que l’assassin avait des connaissances médicales, la précision de son geste et la fameuse incision en forme de « Y » …
Le Capitaine Legrand avait cessé d’écouter. Son attention était portée sur un objet placé derrière le bureau : une petite poupée faite de bois, de perles et de chiffons. Charlotte n’y connaissait pas grand-chose mais la figurine lui rappelait l’art africain.
— Théo, tu me fais un relevé d’empreintes sur la poupée ? demanda-t-elle à l’un des techniciens présents sur la scène de crime. La jeune femme prit une photo de l’artefact avec son téléphone portable.
Le Capitaine Legrand remarqua la présence du Lieutenant Perez et en profita pour se dégager d’entre les griffes du Docteur Salvarez.
— Jean-Louis, on a des choses à se dire. Vous me raccompagnez à la voiture ? Docteur Salvarez, ce fut un plaisir, vraiment. On se revoit pour l’autopsie ? déclara-t-elle sans même accorder un regard à la jeune femme.
Un fois sortie de l’amphithéâtre, Charlotte Legrand respira un bon coup.
— Je ne la supporte pas ! Quelle pouffiasse ! s’exclama-telle.
— Vous êtes un peu dur, Capitaine !
— Au contraire, je pense avoir brossé un portrait d’elle assez réaliste. Mais qu’on nous rende le Docteur Lindle !
— C’est vrai que moi aussi, je préfère notre petite anglaise.
— Lieutenant Perez, le Docteur Salvarez estime que la mort a eu lieu il y a six ou douze heures donc entre vingt heures et deux heures du matin. Vous vérifiez toutes les entrées et sorties de cette foutue université ainsi que les caméras de surveillance.
— D’accord, chef ! déclara le Lieutenant Perez avant de partir de son côté.
Charlotte Legrand se mit à réfléchir. Tout portait à croire que le meurtrier était un docteur ou un étudiant en médecine. La violence et le sadisme qui se dégageaient de la scène de crime faisaient penser à une vengeance personnelle. La victime et le meurtrier se connaissaient peut-être. Quant à la poupée, objet trop particulier pour n’être qu’une simple coïncidence, que signifiait-elle ?
Son téléphone portable se mit à sonner.
— Capitaine Legrand à l’appareil, j’écoute. Monsieur le Commissaire ? Maintenant ? Très bien. J’arrive, dit-elle à contre-cœur.

Le Commissaire invita la jeune femme à s’asseoir dans son bureau. L’homme, petit et gras, suait à grosses gouttes. Il jouait avec ses doigts, ce qui trahissait son angoisse ou son embarrassement.
— Le Procureur vient de m’appeler. Le Docteur Salvarez lui a fait part de son mécontentement. Vous lui avez manqué de respect.
— Excusez-moi Commissaire, c’est l’hôpital qui se moque de la charité ! Le Docteur Salvarez arrive en retard sur la scène de crime, elle montre le plus total des mépris envers une consœur, qui était déjà présente sur les lieux pour aider… interrompit le Capitaine Legrand.
— Charlotte !
Le Commissaire avait haussé le ton. Quand il appelait la jeune femme par son prénom, cela ne présageait rien de bon.
— Oui, Commissaire, se reprit-elle.
— J’ai pris en compte vos excellents résultats, néanmoins j’ai dû considérer la plainte du Docteur Salvarez. Vous travaillerez donc en tandem avec le Capitaine Brasko. Il garantira votre impartialité.
— Commissaire… protesta-t-elle.
— Ma décision est prise. Tenez-moi au courant des avancées de l’enquête.

Devant la machine à café, Charlotte Legrand soupira. Elle détestait Brasko, un homme arrogant et impulsif. La jeune femme ne jugeait jamais les gens sur leur apparence physique, néanmoins celle de ce policier l’horripilait. Le peu de cheveux roux qu’il avait sur le crâne semblaient se livrer une bataille perdue d’avance. Ses yeux noisette n’exprimaient rien d’autre qu’une profonde bêtise. Marc Brasko avait un don indiscutable pour dire les mots les plus enrageants au pire moment.
— Charlotte Legrand, bienvenue dans l’équipe ! Jolie comme un cœur, un tempérament de feu… lança son nouveau coéquipier qui l’attendait dans le couloir.
Elle ouvrit le bureau et rétorqua :
— Tu entres où tu vas continuer longtemps avec ta poésie à la con, Prix Nobel ?
Le Capitaine Legrand lui fit un résumé de l’enquête et lui montra les premières photos de la scène de crime. Plusieurs pistes se profilaient, un collègue ou un étudiant de médecine. Quant au motif, peut-être une vengeance. L’entrée en trombe du Lieutenant Perez les interrompit.
— Désolé, Capit… s’exclama Jean-Louis avant de suspendre sa phrase en voyant Brasko.
— Lieutenant Perez, je vous présente le nouveau membre temporaire (elle insista lourdement sur ce mot) de notre équipe, le Capitaine Brasko ! Vous avez du nouveau ?
Jean-Louis reprit son souffle.
— Voilà, j’ai consulté les registres informatiques de l’université. La surveillance vidéo est en panne depuis trois jours. Le système d’entrée et de sortie du personnel est assez archaïque… Il n’y a aucune trace du Docteur Reynolds et il ne fait pas partie du corps enseignant. Cependant, un seul docteur était présent hier soir à l’université.
— Oui ?
— Le Docteur Éva Lindle.
Le visage de Charlotte ne trahit aucune émotion.
— Autre chose… balbutia Perez.
— Oui ?
— Elle connaissait le Docteur Reynolds. Ils ont effectué ensemble une mission humanitaire au Soudan, en 2010.
Le Docteur Lindle avait suivi le Lieutenant Perez sans brocher lorsqu’il lui avait demandé de l’accompagner au commissariat. Il s’agissait d’une audition libre et c’était une procédure banale au début d’une enquête. La jeune femme se trouvait sur le campus tard hier soir et elle avait peut-être remarqué quelque chose. Le Capitaine Brasko avait décidé qu’il mènerait l’interrogatoire. Charlotte avait réussi à négocier le droit d’y assister.
— Nom, prénom, date et lieu de naissance.
— Éva Maria Johanna Lindle. Née le vingt-cinq juillet 1987 à Shrewsbury, comté du Shropshire, Angleterre.
— Merci, débutons l’entretien. Où étiez-vous hier soir entre vingt heures et deux heures du matin ?
— Sur le campus de l’université de médecine. J’ai quitté les lieux vers vingt-deux heures trente. Je corrigeais des essais médicaux.
Le Capitaine Brasko ne dit rien et se contenta de sourire. Charlotte sentait qu’il préparait un mauvais coup.
— Vous connaissiez le Docteur Reynolds ?
— Oui, nous avons effectué ensemble une mission humanitaire au Soudan en 2010.
— Un détail que vous avez omis de révéler au Capitaine Legrand alors qu’elle se trouvait sur la scène de crime à vos côtés.
Le Docteur Lindle baissa le regard. C’est vrai, elle n’avait rien dit à Charlotte parce qu’elle était encore sous le choc.
Le Capitaine Brasko étala devant elle les photos de la scène de crime.
— Dites-moi, vous n’y êtes pas allée de main morte, vous deviez vraiment lui en vouloir.
Le Docteur Lindle le regarda interloquée.
— Allons, ne faites pas l’innocente ! Vous avez un physique très agréable à regarder et qui vous a certainement beaucoup aidé dans votre carrière mais on ne me la fait pas à moi. Vous nous cachez des choses et laissez-moi vous dire qu’elles ne sont pas jolies…
Une photo troubla Éva. Il s’agissait de la petite poupée africaine.
Yara !
— Capitaine Brasko, un mot en privé ! s’exclama Charlotte, outrée.

Le Capitaine Legrand ne put contenir son exaspération.
— Ça ne va pas ? C’est une audition libre et vous l’accusez ouvertement du meurtre dans les dix premières minutes de l’entretien sans parler des remarques sexistes ! Vous voulez qu’elle porte plainte ?
— Pour l’amour de Dieu, Charlotte ! Ce n’est pas parce qu’elle est jolie qu’elle est forcément innocente. Elle a l’opportunité : le Docteur Lindle se trouvait sur les lieux du crime et elle a les connaissances médicales. Ensuite, elle a potentiellement un motif : cette femme ne nous a jamais mentionné qu’elle connaissait le Docteur Reynolds. Quelle était la nature de leur relation ? À nous de découvrir ce qu’il s’est passé !

Il y eut un grand silence. Tous les deux savaient qu’il y avait une part de vérité dans leurs arguments.
— Lieutenant Legrand, bonjour ! Maître Da Silva et je désirerai m’entretenir avec ma cliente, le Docteur Lindle. Je m’excuse de mon retard, un imbécile a décidé d’emboutir ma voiture.
Carole Da Silva était de taille moyenne, cheveux coupés courts à la garçonne. Avec son physique assez commun, elle était le type de personne que personne ne remarquait dans une pièce. Néanmoins, si l’on en croyait son excellente réputation, une fois dans un tribunal, il était impossible de ne pas admirer sa prestance et son éloquence.
— Bien entendu Maître, nous vous donnons cinq minutes.
L’avocate entra dans la pièce et referma la porte derrière elle.
— Bravo Brasko, vous avez décroché le gros lot ! Maître Da Silva est une spécialiste en droit criminel. On la dit féministe alors oubliez les remarques sexistes !
Le policier haussa les épaules, ce genre de femme ne lui faisait pas peur.
L’entretien redémarra. Maître Da Silva prit la parole.
— Je vous rappelle que c’est une audition libre et que ma cliente est ici de son plein gré. Elle peut quitter cette pièce à tout moment.
— Quelle était la nature de vos relations avec le Docteur Reynolds ? interrogea le Capitaine Brasko.
— Une relation professionnelle, c’était un collègue.
— Je ne suis pas sûr de vouloir travailler avec vous, Docteur Lindle.
Il montra à nouveau les photos du cadavre.
Maître Da Silva lui fit un grand sourire.
— Si je lis entre les lignes, vous essayez de coller le meurtre sur le dos de ma cliente. Du concret, Capitaine Brasko, je commence à perdre patience.
— Pour commencer, le Docteur Lindle se trouvait sur les lieux du crime jusqu’à une heure avancée.
— Oui, un peu normal, elle y travaille ! l’interrompit Maître Da Silva
— Elle a les connaissances anatomiques…
— Comme des centaines d’étudiants ou de docteurs sur ce campus ! Soit dit en passant, je vous autoriserais à lui faire un procès si elle n’avait aucun savoir médical et exerçait ce métier, coupa à nouveau l’avocate.
— Elle avait une relation personnelle avec le Docteur Reynolds…
— Correction : professionnelle. Vous devriez écouter attentivement quand ma cliente répond à vos questions à moins que ce ne soit plus facile de poursuivre votre idée fixe, rétorqua Maître Da Silva.
— Avouez, cela nous fait beaucoup de coïncidences ! s’exclama le Capitaine Brasko qui commençait à perdre son calme.
Maître Da Silva lui lança un grand sourire. Charlotte comprit qu’elle allait lui donner le coup de grâce.
— Oui, je suis d’accord. Parlons des coïncidences. Le rouge horrible de votre cravate, c’est le même que celui de mes chaussons à la maison, vous avez la même tête que mon voisin qui bat sa femme et le même parfum que le connard qui a embouti ma nouvelle voiture. Que je sache, cela ne fait pas de vous quelqu’un qui a mauvais goût en matière vestimentaire, un homme qui bat sa femme ou un imbécile qui a obtenu son permis dans une pochette surprise ! Je vais vous apprendre quelque chose, Capitaine Brasko. La justice ne se fonde pas sur des coïncidences, seulement sur des preuves !
Charlotte Legrand dut réprimer un fou-rire. Carole Da Silva était très forte.
— Si vous n’avez pas d’autres questions, ma cliente va vous quitter.

Le Docteur Lindle sortit du poste de police, épuisée. Cette journée était l’une des plus bizarres qu’elle n’ait jamais connue. D’habitude, médecin légiste travaillant au service de la police, elle se retrouvait à présent sur le banc des accusés.
— Docteur Lindle, vous allez bien ? lui demanda l’avocate qui marchait derrière elle.
— Oui… répondit Éva, pensive.
— Tessa Johnson m’a beaucoup parlé de vous et elle m’a demandé de vous aider.
Le Docteur Johnson était une collègue américaine qui partageait le bureau d’Éva. Au fil des mois, elle était devenue une confidente et une amie. Dernièrement, la jeune femme n’arrêtait pas de parler de sa nouvelle conquête – une avocate – Tessa était extravertie et ne faisait aucun secret de sa sexualité. Éva venait tout juste de faire le rapprochement.
— Merci, Maître.
— Appelez-moi, Carole. Oh et un dernier conseil d’avocat, ne répondez jamais seule aux questions de la police. Il semble évident que le Capitaine Brasko vous a prise en grippe. Voici ma carte !

Sa femme était rentrée tard, sans dire un seul mot. Hugo Delatour s’inquiétait pour elle. Son épouse semblait l’ombre d’elle-même. D’habitude, énergique et drôle, Éva semblait inquiète, absorbée dans ses pensées, ailleurs.
— Éva, tu n’as rien mangé…
La jeune femme le regarda avec tendresse. Elle avait été séduite par son regard, toujours intense et sa voix, à la fois grave et douce. Hugo Delatour n’était pas l’homme au physique parfait des publicités ou même Jamie. Cependant, son nez cassé de boxeur et son incroyable sourire lui donnaient un charme fou. Après son divorce, elle n’avait jamais pensé qu’elle tomberait à nouveau amoureuse. Les souvenirs de leur rencontre faisaient toujours sourire Éva, tout avait si mal commencé dans cette morgue à Shrewsbury. Pourtant, quatre ans plus tard, ils étaient mari et femme. Elle avait tout quitté pour lui et venir s’installer dans le sud de la France. Un acte de folie et d’amour commis sans aucun regret. Hugo Delatour était l’homme de sa vie.
— Et si on en parlait ? insista-t-il.
La jeune femme posa tendrement sa main sur la sienne.
— Non, merci. Tout ira mieux demain.
La sonnette de la porte d’entrée retentit. Comme Hugo était occupé à débarrasser la table, elle alla ouvrir. Charlotte Legrand se tenait sur le seuil.
— Capitaine Legrand ? Dois-je appeler mon avocat ? s’exclama Éva qui ne semblait pas réjouie de cette visite.
— Ce ne sera pas nécessaire. Ma visite n’a rien d’officiel. Je ne suis pas venue accompagnée de mon nouveau collègue si merveilleux, répondit-elle sarcastique.
— Charlotte, je ne suis pas sûre que ce soit…
— Éva, je suis de ton côté et je cherche à t’aider. Alors laisse-moi entrer et discutons.
Le Docteur Lindle parut réfléchir une seconde.
— D’accord. Allons dans le bureau.

Pour un mois de mai, l’air était particulièrement lourd et le ciel était noir. Tout indiquait qu’un violent orage était sur le point d’éclater. Charlotte s’assit en face d’Éva. Le bureau avait gardé ses allures monacales depuis que la jeune femme avait aménagé avec Hugo. Peu de décorations égayait la pièce, seul un piano à la peau d’ébène contrastait avec le blanc des murs. Le silence était aussi pesant que la tempête qui se préparait au dehors.
— Éva, j’ai vu ta réaction quand Brasko t’a montré les photos de cette poupée.
Le Capitaine Legrand lui montra la photo qu’elle avait prise sur la scène de crime.
— Je ne vois pas de quoi tu veux parler, rétorqua assez durement le Docteur Lindle.
— Ce n’est pas le moment de cacher quoique ce soit. Brasko est sur le coup et il a un sixième sens pour fouiller la merde. Que s’est-il passé au Soudan ? Je dois savoir.
Le Docteur Lindle hésita longuement.
— Surtout, tu ne dois rien mentionner à Hugo, murmura doucement Éva.
— Tu as ma parole.
La jeune femme commença son récit.

Soudan du Sud, mars 2010
La chaleur était écrasante, elle alourdissait le corps et ralentissait l’esprit. Il fallait un certain temps pour s’y habituer. Ils étaient assis dans le petit préfabriqué, adjacent à la clinique de fortune qui était érigée au beau milieu du camp. C’était leur premier jour et la directrice devait les briefer. Le camp avait des règles strictes pour assurer la sécurité du personnel médical.
— Docteur Lindle, Docteur Reynolds et Docteur Connor, soyez les bienvenus en Enfer ! s’exclama Ruba Banda. La directrice était petite et fine, les yeux cachés derrière d’épaisses lunettes et la tête recouverte d’un voile. Sa voix était forte et lui conférait une autorité naturelle. Elle avait peut-être l’apparence d’une sauterelle, seulement elle avait la personnalité d’un tigre.
— C’est-à-dire ? demanda le Docteur Reynolds.
Le médecin était un homme maigre et sec. Presque chauve, les yeux enfoncés au fond du crâne, Éva lui aurait donné la quarantaine. Ses manières comme son apparence, étaient brusques. Il avait des allures d’ours solitaire. La jeune femme ne lui faisait pas confiance.
— Beaucoup de malades, encore plus de morts mais peu de docteurs et de moyens. Faut-il vraiment vous faire un dessin ? Tant qu’on y est, ce n’est pas un camp de vacances. Le travail est garanti vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Je vous interdis de vous déplacer seul en dehors de la clinique ou même pour vous rendre à la morgue qui se situe à l’arrière de ce bâtiment. Il est encore temps de partir si cet endroit vous fait peur…
L’accueil avait été glacial et les docteurs s’étaient affairés aux tâches attribuées par Ruba. Au fur et mesure, la directrice et le Docteur Lindle s’étaient rapprochées. Après tout, n’étaient-elles pas les deux seules femmes de la clinique ? Un jour, lors d’une courte pause, Ruba l’avait mise en garde.
— Éva, comme je t’aime bien, je vais t’ouvrir mon cœur. Laisse-moi te prévenir. Si tu es venue ici pour soigner tes blessures, mon pays en a trop pour guérir les tiennes.
Le Docteur Lindle lui avait souri les larmes aux yeux. La directrice avait posé tendrement sa main sur son épaule.
— Femme blanche, regarde-moi, tu es plus forte que ta douleur.
Si Ruba était l’image du réconfort, le Docteur Lindle n’avait aucun atome crochu avec le reste de ses collègues. Les regards insistants du Docteur Reynolds la mettaient mal à l’aise et la jeune femme faisait tout pour éviter de se retrouver seule avec lui. Quant au Docteur Connor, caché derrière ses petites lunettes rondes, il était juste bizarre. Son imposante stature et ses traits assez durs lui donnaient l’apparence d’un sbire de Dracula, échappé des Carpathes. Le médecin s’exprimait peu et son mutisme dérangeait tout le monde.

Les deux femmes finissaient leur tasse de thé lorsqu’une inconnue fit irruption dans la clinique. Elle tenait une petite fille dans ses bras et parlait en arabe. Le Docteur Lindle ne comprenait pas ce qu’elle disait mais la jeune femme avait déduit que la petite fille s’appelait Yara.
Ruba s’occupa de la mère et Éva prit la fillette en charge.
Elle est aussi légère qu’une plume. Le visage émacié, le ventre distendu, son souffle à peine audible, la lueur agonisante de ses yeux. Yara me regarde apeurée. Elle sait que quelque chose de terrible l’attend. Moi aussi. La gamine agrippe sa poupée faite de perles et de chiffons. C’est son dernier espoir.

Pendant six longues heures, le Docteur Lindle essaya de combattre les dégâts irréversibles causés par la malnutrition. Tous ses efforts avaient été vains et l’état de sa patiente s’était brutalement détérioré. La fillette avait repris conscience quelques secondes et prononcé les mots « Almalak Alharis » avant de s’éteindre. La révolte s’était emparée du Docteur Lindle et elle avait quitté brusquement la pièce. Ruba l’avait rattrapée.
— Éva !
Le Docteur Lindle sanglotait. C’était la seule façon qu’elle avait trouvée d’exprimer sa colère et sa frustration.
— À quel jeu de dupes jouons-nous ? C’est une gamine ! À peine cinq ans et je n’ai rien pu faire ! À quoi ça sert de se battre si on perd tout le temps, comme ça ?
La directrice l’avait prise dans ses bras.
— Éva, on ne gagne pas tout le temps quand on se bat contre la mort mais on triomphe parfois. C’est quand on baisse les bras que la mort gagne toujours.
— Elle m’a dit cette phrase « Almalak Alharis » …
— Elle t’a appelée son ange gardien. Essuie tes larmes, femme blanche. Mon pays a trop pleuré. Regarde son sol, sec et poussiéreux. Les larmes ne changent rien. Seuls les actions comptent. Prends un moment, une heure si tu en ressens le besoin. Puis, rejoins-moi. J’ai besoin de toi.
Le corps de Yara avait été transporté à la morgue. La petite poupée africaine demeurait sur le sol, près du lit. Le Docteur Lindle la ramassa et la dépoussiéra. La fillette, qui ne possédait pas grand-chose, s’y était accrochée avec tout ce qu’il lui restait de vie. Yara dans son nouveau voyage aurait sans doute aimé garder ce jouet.

La morgue était une salle frigorifiée où les corps s’empilaient. L’accès y était limité. Le Docteur Lindle composa le code et ouvrit la porte. Soudain, la jeune femme s’arrêta devant la vision d’horreur qui s’offrait à ses yeux. Yara, sa petite jupe retroussée, le Docteur Connor, son pantalon baissé. D’abord sous le choc, Éva demeura immobile, puis la petite poupée lui glissa des mains. Surpris par le bruit, son collègue releva son pantalon à la hâte et se retourna.
— Salaud ! s’écria-t-elle avant de se jeter sur lui et le frapper au visage. Éva ne se contrôlait plus, elle était devenue sa rage. Le Docteur Reynolds, qui avait dû entrer quelques secondes plus tôt, maitrisa le Docteur Lindle et se colla contre elle. La jeune femme pouvait sentir son souffle rauque sur sa nuque.
— Connor, verrouille la porte !
Le docteur ne bougea pas.
— Connor, tu t’es bien amusé ! À mon tour ! Ferme cette putain de porte !
Le Docteur Reynolds poussa Éva contre le mur et commença à déboutonner son pantalon. La jeune femme tenta de se dégager, il la plaqua encore plus fort contre le mur.
— Plus tu luttes, plus tu m’excites ! lui murmura-t-il en lui mordant l’oreille.
Les mains de Reynolds commencèrent à se balader sur son corps avec insistance. Elle ne ressentait que du dégout et de la haine pour cet homme. Éva se débâtit de plus belle et réussit tant bien que mal à lui échapper. Tous furent surpris par des coups venant de l’extérieur. Le Docteur Lindle saisit cette opportunité pour appeler à l’aide. Reynolds s’écarta et Connor se mit à paniquer. Ruba somma les occupants de la morgue d’ouvrir la porte. La directrice était déterminée, prête à tout défoncer. Le Docteur Connor finit par obéir. Deux militaires du camp firent leur entrée, suivie de Ruba. Son regard balaya la pièce et s’arrêta sur Éva qui avait l’air choquée. La directrice donna des instructions en arabe et les deux officiers s’exécutèrent. Sans aucun ménagement, ils passèrent les menottes au Docteur Reynolds et au Docteur Connor avant de les amener en lieu sûr.
Ruba s’approcha d’Éva qui sanglotait. Elle la prit doucement dans ses bras et se mit à la bercer.
— Ça va aller, Almalak Alharis, répéta-t-elle doucement. Maintenant, dis-moi tout.
La directrice l’écouta patiemment avant de lui demander :
— Tu as une formation de médecin légiste ? Fais des prélèvements sur le corps de Yara, ordonna-t-elle.
— Ruba… protesta le Docteur Lindle.
— Tu veux que ces fils de pute repartent dans leur pays sans que justice soit faite ? J’ai besoin de toi. Fais-le pour Yara.
L’heure qui suivit fut la plus difficile de toute la carrière du Docteur Lindle. Elle fit l’examen externe. Elle préleva des traces de sperme sur les cuisses de la petite fille. Une fois les photos prises, les croquis annotés ; elle rabaissa délicatement la jupe de Yara et plaça la poupée dans ses bras. Le Docteur Lindle se recueillit quelques minutes devant la dépouille.
— Pardonne-moi, dit-elle, de ne pas avoir pu te sauver, murmura la jeune femme.

Charlotte Legrand regarda le Docteur Lindle avec respect et admiration. Puis, elle demanda :
— Que sont devenus Connor et Reynolds ?
— Connor a été rayé de l’ordre des médecins et poursuivi pour actes de nécrophilie. J’ai déposé plainte pour tentative de viol et Reynolds a été condamné à cinq ans de prison. Charlotte, j’ignorais tout de sa présence à l’université et bien que je ne le portais pas dans mon cœur, je n’aurais jamais rien fait qui puisse porter atteinte à ses jours.
Le Capitaine Legrand n’écoutait que très rarement son intuition. Sa petite voix intérieure lui disait que cette femme était innocente. Éva Lindle avait reconstruit sa vie et elle avait trop à perdre. Qui plus est, le médecin légiste disait vrai, personne ne pouvait expliquer la présence de Reynolds dans cet amphithéâtre de l’université.
— Surtout, ne dis rien à Hugo. Je n’ai pas envie qu’il découvre que j’ai passé les quinze minutes les plus longues de ma vie en compagnie d’un violeur et d’un nécrophile. Je ne veux pas qu’il se fasse du souci pour moi.
La nuit, cette veuve noire, tissait sa toile autour des deux jeunes femmes et s’apprêtait à sceller leur destin à jamais.
— Tu as ma parole. Merci pour ta confiance, je vais me concentrer sur ces nouvelles pistes.

Le Capitaine Legrand sortit de la maison. L’air était encore plus lourd qu’à son arrivée et elle priait pour qu’un orage parvienne enfin à rafraîchir l’atmosphère. Près de l’olivier, Hugo l’attendait.
— Charlotte, vous pouvez me dire ce qui se passe ?
Sa voix trahissait son inquiétude. Il poursuivit.
— Je viens d’apprendre de la bouche du Lieutenant Perez que vous avez convoqué ma femme pour une audition libre au sujet d’une affaire de meurtre et personne ne m’a rien dit ?
Hugo Delatour était un excellent détective avec un flair hors pair. Quand ils travaillaient ensemble, leurs personnalités se complétaient à merveille. Cependant, l’enjeu de cette affaire lui était trop personnel et un homme amoureux pouvait faire des erreurs d’appréciation. Même pire : confondre justice et vengeance.
— Hugo, vous me raccompagnez à ma voiture ? D’abord, je tiens à vous signaler que je n’ai fait que mon travail. Également, je suis de votre côté et j’essaie d’aider le Docteur Lindle.
Il écoutait avec attention, cependant son angoisse prenait le dessus.
— Dans le bureau, qu’est-ce qu’elle vous a dit ?
— Je ne peux rien vous dire. Éva vous parlera quand elle sera prête.
La tristesse, le sentiment d’impuissance ; ces émotions nourrissaient la tempête faisant rage dans le cœur du détective.
— Je peux aider ? lança-t-il, désespéré.
— Oui, en me faisant confiance. Le Docteur Lindle a besoin de votre soutien, pas qu’on lui balance une batterie de questions en pleine figure. Oubliez une minute que vous êtes détective, conseilla-t-elle en fermant la porte du véhicule.
Hugo rejoignit Éva dans la chambre. La jeune femme s’était assoupie, ce qui ne surprenait guère le détective. Son épouse avait eu l’air extenuée lorsqu’elle était rentrée. Il la serra dans ses bras sans pouvoir se débarrasser de son angoisse.
Trois heures du matin. Le téléphone du Docteur Lindle se mit à vibrer. La jeune femme s’aperçut qu’elle venait de recevoir un message.
« Docteur Tessa Johnson (1988-2019 ?).
Amphithéâtre B. Viens seule et je l’épargnerais. »

Le Docteur Lindle relut le message plusieurs fois. S’il s’agissait d’une blague, elle était de mauvais goût. Éva composa plusieurs fois le numéro de Tessa et tomba instantanément sur la boite vocale. La jeune femme se leva en vitesse. Avant de partir, elle envoya un texto au Capitaine Legrand.
« Rejoins-moi à la fac de médecine. Connor m’a contacté.
Il a Tessa. Amphithéâtre B. »
Kant le labrador dormait paisiblement à ses pieds. Charlotte Legrand avait commencé à explorer de nouvelles pistes.
Décédé dans un accident de voiture, à l’âge de quarante-cinq ans, le neuf mai 2015. Justice karmique ! La mort s’est bien vengée de Richard Connor, docteur et nécrophile !
Elle avala une autre bouchée de glace à la vanille tout en imaginant le regard désapprobateur de son mari, Antoine. Ce dernier était en week-end avec ses amis pour assister à un ultime concert du groupe anglais Depeche Mode. La jeune femme avait tout fait pour le convaincre d’accepter l’invitation. Antoine était l’homme de sa vie, cependant elle appréciait ses moments de solitude. Depuis le début de la soirée, il lui avait déjà envoyé une dizaine de messages pour lui dire qu’il l’aimait. Cette manie d’Antoine devait forcément agacer ses amis et gâcher le concert. Son téléphone vibra, Charlotte leva les yeux au ciel. Si c’était encore un de ses messages d’amour…
La cuillère retomba d’un seul coup dans le pot de glace à la vanille.
— Merde ! s’écria-t-elle.
Le Capitaine essaya de contacter le Docteur Lindle à plusieurs reprises. Sans succès. La policière prit son arme et sa veste. Dehors, l’orage avait commencé à gronder. Les coups de tonnerre annonçaient le début d’une sinistre performance.

La pièce de théâtre venait juste de finir. De temps à autre, des éclairs lézardaient le ciel. Elles marchaient côte à côte. Carole débuta la conversation.
— Plutôt jolie le Docteur Lindle. Grande, de magnifiques yeux verts mis en valeur par ses cheveux châtain clair mi-longs… Quand je pense que tu passes toutes tes journées avec elle !
Tessa sourit. Carole lui faisait une petite crise de jalousie.
— Maître, ai-je besoin d’un avocat ? Éva n’est qu’une collègue de travail, mariée à un détective pince sans rire et attachant, répondit-elle en lui prenant tendrement le bras.
— Pas besoin d’avocat, la défense tient la route ! répondit Carole en riant.
L’orage se faisait de plus en plus menaçant.
— On ferait mieux d’appeler un taxi avant que le Justice divine décide de nous foudroyer. Tant qu’on y est, la prochaine fois qu’une de tes amies auteure de pièces de théâtre nous invite à une représentation, on est en vacances à l’étranger !
Carole s’esclaffa de plus belle. Le spectacle avait été ennuyeux à mourir et Tessa avait joué le jeu par amour. La jeune femme se mit à chercher dans son sac.
— Zut ! J’ai dû oublier mon téléphone à la fac ! Comment se fait-il que je puisse me souvenir de mille et une terminologies médicales tout en oubliant des trucs aussi simples ? s’exclama Tessa en colère contre elle-même.
Carole s’approcha doucement.
— Docteur Johnson, vous n’avez qu’à utiliser le mien et je t’aime… déclara-t-elle en l’embrassant tendrement.

L’amphithéâtre était vide, éclairé par les éclairs d’une tempête apocalyptique. La pluie abattait brutalement ses fléchettes sur le ciment des bâtiments. Trempée jusqu’aux os, le Docteur Lindle s’avança calmement. Pour l’instant, aucune trace de Tessa. La jeune femme appela son amie plusieurs fois. Seul l’écho de sa voix lui répondit. Un objet trônait sur la chaire du professeur. Elle s’approcha. Une poupée africaine.
— Yara… murmura-t-elle. Puis, un coup s’abattit sur sa nuque et Éva perdit connaissance.
Quand le Docteur Lindle se réveilla. Ses pieds et ses poings étaient liés. Camilla Salvarez lui souriait.
— Je suis tellement contente que vous ayez repris connaissance. Je veux que vous ressentiez chaque seconde de la douleur que je vais vous infliger. Quelle ironie quand on y pense ! Un médecin légiste sur le point de se faire disséquer vivante !
Fais-la parler. Gagne du temps. Un égo démesuré qui a besoin qu’on l’applaudisse et qu’on le complimente. Tu peux le faire, Éva !
— Pourquoi Camilla ? Que vous ai-je fait ?
— Docteur Lindle ! Vous allez tout comprendre. Il s’agit d’une vengeance cent pour cent personnelle ! Mon demi-frère Richard Connor, vous vous souvenez ? Vous avez détruit sa vie comme je vais détruire la vôtre ! Il aurait pu être l’un des meilleurs médecins du pays. À cause de vous, il s’est réfugié dans l’alcool avant de se tuer bêtement dans un accident de voiture. Richard était quelqu’un de formidable, il m’a inspirée et si je suis devenue docteur, c’est grâce à ses encouragements.
— Et Reynolds ?
Camilla laissa échapper un rire diabolique.
— John Reynolds était le roi des hypocrites et des lâches. Il a enfoncé mon frère durant le procès pour sauver sa peau. Vous devriez me remercier, il a tenté de vous violer, non ? lança-t-elle méchamment. Mon plan était plutôt génial. Je l’ai retrouvé et contacté. Vous savez, il ne vous avait pas oubliée. Sans doute qu’il comptait finir ce qu’il avait commencé. Je lui ai dit que vous étiez professeur dans cette université et que vous travailliez tard le soir dans cet amphithéâtre. Il est venu. Cet imbécile m’a donné deux opportunités : j’ai pu répéter mon petit numéro avant le grand finale, dit-elle en agitant son scalpel. Également – et c’est le plus excitant- j’ai trainé votre nom dans la boue et vous ai fait passer du côté des accusés.
Si je dois mourir, autant lui dire la vérité en face !
— Votre demi-frère était un monstre ! Richard était malade. Son diplôme de médecine n’était qu’un prétexte pour se livrer à des actes abominables sur des cadavres.
Camilla Salvarez tremblait de rage, bientôt incapable de se maitriser.
— Tais-toi ! Ce ne sont que des mensonges ! s’écria-t-elle.
— Camilla, lisez le rapport de l’enquête ! Je dis la vérité.
Le Docteur Salvarez maintint la tête d’Éva sur le côté et agita son scalpel dans les airs. Le Docteur ferma les yeux et songea aux mots de Ruba : « Quand on lutte contre la mort, on ne gagne pas toujours ». Soudain, un coup de feu retentit et Camilla s’écroula sur la jeune femme.
— Éva, ça va ? Tu es blessée ?
— Ne t’inquiète pas, Charlotte. Je vais bien.
Le Capitaine Legrand écarta le scalpel et vérifia le pouls du Docteur Salvarez. Rien. La policière souffla, soulagée.
Le lendemain, Charlotte Legrand avait été convoquée dans le bureau du Commissaire. Brasko s’était plaint du manque de communication de sa partenaire et de ses actions, menées seules sans aucune concertation avec son équipe.
— Reprenons depuis le début, vous êtes entrée dans l’amphithéâtre. Vous avez vu le Docteur Camilla Salvarez qui semblait menacer…
Charlotte l’interrompit au beau milieu de sa phrase.
— Elle tenait un scalpel dans sa main droite, pas une sucette à l’orange ! Donc, je n’ai pas écrit dans mon rapport « semblait menacer », j’ai déclaré : « le Docteur Salvarez menaçait ». Soyons clair.
— Je prends note et vous avez suivi la procédure ?
Charlotte demeura silencieuse quelques secondes.
— Oui, je lui ai demandé de jeter son arme. Elle n’a pas réagi à cet ordre, j’ai tiré. Je me suis assurée qu’elle était hors d’état de nuire, j’ai écarté le scalpel puis j’ai appelé du renfort ainsi qu’une équipe médicale pour vérifier l’état de santé du Docteur Lindle.
— Vous pouvez disposer Capitaine Legrand, je n’ai pas d’autres questions. Bien entendu, je vous tiendrais au courant de ma décision.
La jeune femme sortit du commissariat. Un café, elle avait besoin d’un café. Cet interrogatoire, mené par le Commissaire avait duré six heures. Il avait tout vérifié, chaque point de son rapport, chaque instant clé dans le déroulement des faits. Avec ses excellents résultats et ses états de service, elle s’en sortirait probablement avec un blâme. La Capitaine Legrand arriva à la hauteur de son véhicule.
— Charlotte ?
Le Docteur Lindle se tenait sur le côté. Elle l’avait attendue.
— On peut parler ? demanda Éva doucement.
— Éva, je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée de prendre une tasse de thé ensemble compte tenu des circonstances, répondit-elle en ouvrant la portière.
— S’il te plaît…
Charlotte finit par accepter. Une fois à l’intérieur du véhicule, il y eut un silence embarrassé.
— Allez-y Docteur Lindle, je connais ce regard. Si vous avez quelque chose à me dire, c’est le moment ou jamais.
Éva hésita longuement avant d’ouvrir son cœur.
— La procédure. Tu n’as jamais sommé le Docteur Salvarez de jeter son arme. Tu as simplement tiré sur elle.
Charlotte se tourna vers elle et la regarda droit dans les yeux.
— Eh bien oui ! C’est exactement ce qui s’est passé et je viens de mentir durant six heures à mon supérieur. Qu’auriez-voulu que je fasse, Docteur Lindle ? Que je lui demande : « Toi qui brandis une lame de scalpel sur mon amie, oui, toi la sadique qui a éventré vivant le Docteur Reynolds, tu comptes faire la même chose ? Au fait, pourquoi es-tu si méchante ? » Je n’avais vraiment pas le temps de faire une petite séance de psychanalyse improvisée avec cette chère Camilla ! Éva, je ne pouvais pas prendre de risque, j’ai déjà perdu quelqu’un. Je n’avais pas le choix, tu comprends ?
— Oui, répondit le Docteur Lindle.
— Que leur as-tu dit ?
— Que le Capitaine Legrand avait suivi la procédure à la lettre.
— Merci.
— Non, merci à toi de m’avoir sauvé la vie, ajouta Éva, avant de serrer Charlotte dans ses bras.

Nous ne sommes que le fruit de nos actions et de leurs conséquences. Chaque jour, nous apprenons à vivre avec le poids de nos choix, bons ou mauvais. La voiture était garée face à la mer. La lumière des phares se perdait dans le bruissement des vagues et l’encre noire de la nuit. Charlotte Legrand était adossée contre le pare-choc. La brise agitait ses cheveux et caressait ses larmes.
J’ai tué.
J’ai tué, guidée par la peur.
J’ai tué, habitée par la haine.
Mais je n’ai pas tué pour servir la justice…

La culpabilité est semblable au vers qui ronge la pomme, elle vous dévore le cœur. Charlotte le savait au plus profond d’elle-même, désormais rien se serait plus comme avant.
Il l’avait attendue une bonne partie de la soirée, imaginant le pire. Éva lui semblait si distante. La jeune femme refusait de discuter les évènements ou ses sentiments. Une clé tourna dans la porte d’entrée.
— Où étais-tu ? J’étais mort d’inquiétude ! Tu aurais pu m’appeler, l’apostropha-t-il avec colère.
Éva avait conduit pendant des heures sans but en essayant de mettre de l’ordre dans ses pensées. Elle songea à sa vie avec lui, à leur puissante alchimie spirituelle et physique. Il était son espoir de guérison. Ce que la jeune femme désirait ? Laisser le passé derrière elle et vivre le présent éperdument. Éva se jeta dans ses bras.
— Je suis désolée… Je t’aime Hugo, je t’aime ! dit-elle en l’embrassant passionnément. Ça fait tellement du bien de se sentir vivante !
Elle se blottit contre lui avant d’ajouter :
— J’ai pris une décision. La vie est trop courte pour la vivre pleine de regrets ou de remords. Je veux vaincre la mort, je veux créer la vie et faire un enfant avec toi…
Un secret n’est pas le silence, c’est une vérité endormie qui attend patiemment qu’un jour on la réveille. C’est un lien, une alliance – parfois des chaînes – entre plusieurs personnes pour le meilleur et pour le pire…

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Delirium (Nouvelle)

DELIRIUM

La bibliothèque du Bethlem Royal Hospital de Londres ressemblait plus à une usine à cauchemars qu’au berceau de la connaissance. Ses murs épais, d’apparence gothique, semblaient emprisonner l’obscurité et entretenir le froid qui y régnait en maitre. John Reynolds, un interne, soupira. La lumière de la lampe à gaz vacilla. Il ne lui restait plus qu’une semaine pour finir sa thèse. Elle s’intitulait La folie et ses traitements à travers les siècles. Deux années auparavant, le jeune homme avait décidé de se spécialiser en psychiatrie. Le nom de cette science était issu de deux mots grecs, psyche pour âme et iatros pour médecin. John Reynolds croyait que cette discipline, en plein essor, permettrait de guérir ces hommes et ces femmes que la société enfermait arbitrairement dans des établissements aux allures de cachots. Ces deux années, l’interne les avait également dévouées à la rédaction de sa thèse. Quand il ne rendait pas visite à ses patients, il passait tout son temps à la bibliothèque pour compléter son œuvre. Le jeune homme posa la main sur son front. Quelle fatigue ! Quelle lassitude ! Au dehors, la nuit avait fait son nid. Les lampadaires au gaz de houille crachaient leur faible lumière. En cette année 1885, les rues de Londres, perdues dans leur brouillard et noircies par la suie, semblaient plongées dans d’épais ténèbres. Des corps de prostituées, sauvagement démembrés, avaient été retrouvés dans des allées. La rumeur se propageait comme une trainée de poudre. On protégeait les puissants et on sacrifiait les plus faibles !
Il dit qu’il peut t’aider.
La voix interrompit John dans ses pensées. Un vieillard, assez petit, se tenait en face de lui. Il réajustait ses lunettes rondes. Le jeune interne se demandait comment cet individu était entré dans la pièce sans qu’il ne s’en aperçoive. D’habitude, la bibliothèque était déserte à cette heure-ci. Un patient égaré ? Il fallait garder son calme.
Quand vous mentionnez « il », vous voulez dire ?
Le petit homme sourit avec dédain.
Il dit que tu devrais arrêter de le prendre pour un patient ou un imbécile. Il n’est pas fou. Mais toi, ami, l’es-tu ?
Cette conversation était absurde. Néanmoins, John joua le jeu.
L’homme qui considère la démence ne peut être entièrement fou, rétorqua-t-il. Qui est ce « il » ?
Le petit homme toussa et regarda autour de lui.
« Il » est un ami, un moi, une âme et un fantôme.
Ce fut plus fort que lui, John saisit sa plume et se mit à prendre des notes.
Un fantôme, c’est-à-dire ?
Il n’est pas content. Il dit que tu es distrait et que tu devrais te plonger dans ta thèse, s’exclama le vieillard. La folie n’attend pas !
Le jeune interne sourcilla. Comment savait-il pour sa thèse ? En dépit de son apparence inoffensive, le vieil homme ne lui inspirait pas confiance. John Reynolds allait se retirer et prévenir les surveillants qu’un patient s’était égaré dans la bibliothèque.
Il se fait tard et cette plaisanterie est de fort mauvais goût. Aurevoir, « Monsieur le fantôme » !
Le jeune homme plia ses affaires et se leva. Le petit homme commença à chanter doucement. On aurait dit une comptine enfantine.
Aimer la folie jusqu’à la mort,
Ce coup de cœur
Ce coup de tête
Ce coup d’État
Ce coup d’éclat
Tandis que la raison est aussi froide
Que les murs d’une prison.
Et le Fou est un Roi
Sur l’échiquier du monde !

Les vers du poème avaient une certaine cohérence et obéissaient à une logique. C’était assez inhabituel pour une ritournelle de dément. Comment pouvait-on être si fou et lucide à la fois ? Ce cas était fascinant et intrigant. Faudrait-il créer une nouvelle catégorie d’aliénés pour le cataloguer ? John s’assit à nouveau.
Il sent que tu es intéressé. Il peut te montrer ce que les autres n’ont jamais vu ou osé voir. Oublie ton armée de livres poussiéreux ! Il dit que tu dois goûter la chair et boire le sang de la démence.
Supposons que je sois intéressé par cette offre, que dois-je faire ?
Le petit homme s’approcha du jeune homme et il murmura à son oreille.
Il dit que tu dois signer ton âme au bas de ce contrat.
À la manière de Faust ? s’exclama l’interne.
Le vieillard s’offusqua.
Silence ! On ne joue pas avec le Diable ! Il dit que tu dois signer maintenant, déclara-t-il en lui tendant une feuille de papier.
Mais la page est blanche !
Le petit homme s’esclaffa en s’éloignant.
Quand le sage montre la lune, le sot ne voit que le doigt, déclara-t-il en montrant le plafond.
John signa. Il devait savoir.
Le vieillard lui fit signe d’approcher, il avait un secret à révéler.
Et les mots devinrent des images d’horreur et de mort. Des corps dénués de femmes, lacérés, démembrés.
Les membres sont les morceaux du puzzle, le pouls de l’énigme. Les battements d’un cœur qui s’accélère. La bataille est perdue d’avance. Giclures de sang. À l’intérieur, les cris de la bête, toujours insatiable. Elle tourne et se retourne dans sa cage.
La vie est un mirage.
La mort est un miracle.
Nous avons perdu Dieu
Et avons ressuscité nos monstres.
John sentit ses muscles se raidirent, la tension l’envahit.
Quand la raison se tait, que la folie a parlé ; il ne nous reste plus que la rage. La bête est prête à bondir !
Il se jeta sur le vieillard. Maintenant qu’il savait, il voulait lui crever les yeux. Ses deux mains se posèrent sur le petit cou. Le petit homme rusa et finit par se dégager.
Gardes ! Gardes ! Maitrisez-le ! s’écria-t-il.
Deux gardiens s’emparèrent de John et le frappèrent à coups de matraque. Il se tapit dans un coin de la pièce.
Cet homme est fou, irrécupérable ! Je veux que vous l’enfermiez à double tour, vous m’entendez ? Maintenant !
Les deux employés de l’hôpital psychiatrique s’exécutèrent. Le Docteur Reed essuya les gouttes de sueur qui perlaient sur son front. Un miracle qu’il ait pu échapper d’entre les griffes de son adversaire ! Pour une fois, sa petite taille avait été un avantage. Il dépoussiéra sa veste et réajusta ses lunettes rondes. Puis, le psychiatre saisit la feuille de papier sur laquelle il avait demandé au patient de jeter ses pensées. Une phrase semblait se répéter à l’infini.
La folie est un autre. La folie est un autre. La folie est un autre.
La folie est notre autre moi.

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Retour de lecture : Le Livre Jaune de Michael Roch

Je vous préviens, ce retour de lecture va être difficile à écrire. Je n’ai pas seulement lu le livre, je l’ai vécu. En lisant cet article, vous comprendrez pourquoi.

Le protagoniste de l’histoire est un pirate, hanté par une phrase « je ne t’aime plus et je ne sais pas pourquoi ». Il se pense mort. Parviendra-t-il à trouver le chemin qui le ramènera à la vie ?

Ce court résumé ne rend absolument pas justice au livre. C’est bien plus que ça : un conte féerique et philosophique, une odyssée, un rite initiatique, l’histoire d’une mort et d’une renaissance.

Ce n’est pas tous les jours ou tous les livres qu’une écriture vous saute à la figure et vous ensorcele. Je ne m’attendais pas du tout à ça en lisant cet ouvrage. Le style poétique de l’auteur est tout simplement magique, les mots sont de pures émotions et ils ne délivrent pas seulement du sens mais aussi des sensations. Je dois vous avouer qu’on début, j’étais aussi perdue que le pirate. Je relisais les phrases plusieurs fois. Elles me parlaient, pourtant je ne savais pas ce qu’elles me disaient. Ce n’est pas seulement l’histoire d’un pirate que je lisais mais aussi la mienne. Et je parie ami(e) lecteur/lectrice, qu’il pourrait s’agir de la tienne aussi.

Dans le Livre Jaune, nous suivons les péripéties d’un pirate en quête de réponses accompagné d’un guide aveugle, Maar. Tout le monde devrait avoir un Maar dans sa vie, ce sage à moitié fou qui déclame des phrases que l’on croirait sorties d’une pochette surprise et qui pourtant sont véridiques.

Voilà ce que mon Maar à moi dirait :

« Qu’elle comprend enfin qu’elle écrit une chronique qui ne rendra jamais justice au livre. »

Mais enfin, Maar, je ne t’ai rien demandé ! C’est facile de dire aux autres qu’ils sont dans l’illusion alors qu’on est soi-même aveugle !

Mon Maar un peu vexé me répondrait sûrement :

« Qu’elle n’a pas besoin d’être aussi mal polie pour prouver qu’elle a raison ! Qu’on ne peut être heureux en étant toujours seul et qu’on a parfois besoin d’un ami.  »

Je mentionnerai le Roi Jaune qui est aussi terrifiant que fascinant. Je ne peux vous en dire plus car c’est à vous de trouver votre chemin dans cette histoire.

J’allais presque oublier la mystérieuse Ananova, la femme que le pirate a tant aimée. Le récit- et récifs- de leurs amours, de leur passion et de son naufrage restera à jamais avec moi. Sait-on vraiment au fond ce qu’est l’amour ? Qui aimons-nous vraiment quand nous déclarons aimer l’autre ?

En résumé, ce livre est un véritable voyage, une expérience unique hors des sentiers battus et je vous recommande de vous y aventurer. Vous vous perdrez pour mieux vous retrouver.

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Retour de lecture : L’affaire Rose Keller de Ludovic Miserole

Une fois n’est pas coutume, cette journée sera consacrée à mes récentes lectures. Tout d’abord, je tiens à m’excuser, j’aurais voulu poster une image « à la Marine » (😜 😜😜)mais le seul fouet que je possède est dans un tiroir de ma cuisine…

Ce livre est un polar historique. Qui dit histoire, ne dit pas forcément ennuyeux à mourir. On a tous eu cet enseignant d’histoire qui parvient à resuciter avec passion le passé et ses morts. Ludovic Miserole est ce prof. Les Crimes du Marquis est une enquête policière fascinante et l’auteur, grâce à sa plume magique vous fait entrer dans les méandres ténébreux du XVIIIeme siècle. La trame se fonde sur un fait réel, Rose Keller, une veuve digne mais pauvre, accepte de suivre le Marquis de Sade et se retrouve séquestrée entre les mains d’un homme dangereux qui ne connaît aucune limite. Vous vous souvenez tous de la scène de blasphème de l’exorciste avec le fameux crucifix ? Sachez que c’est une version édulcorée comparée aux supplices imposés par le marquis. L’homme est peu sympathique, il est prêt à tout pour défendre ce qu’il considère sa « liberté absolue » et tant pis si ça signifie imposer la souffrance à autrui. Il est incapable d’amour. Sa femme l’aime aveuglement et le marquis la manipule sans scrupules pour contrer les attaques de sa belle famille, qui n’en peut plus des frasques du Marquis.

Personne ne semble pouvoir arrêter ce monstre. Tout le monde sait mais personne ne fait rien.

L’intrigue est haletante grâce au personnage de Julie Follecuisse, une victime et adversaire farouche du marquis, muée par un désir de vengeances ainsi que plusieurs personnages secondaires qui donnent le ton et la couleur de ce siècle fait de paradoxes. Malheureusement, on s’aperçoit aussi que certaines choses n’ont pas beaucoup changé. Les plus forts ont toujours l’avantage sur les plus faibles. La justice n’est jamais la même pour les peuple et les aristocrates.

Le mythe du Marquis, penseur alternatif et inoffensif, est mis à mal. Ludovic Miserole a inclu des documents, des témoignages ainsi que l’examen médical de Rose Keller. Il vous invite à réfléchir et à vous faire votre propre opinion sur cet homme. N’hésitez pas à vous plonger dans ce roman, c’est une véritable réussite m.

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« Hai »

Chaque journée commençait toujours de la même manière pour Beatrice Snowflake. Pour certains, la routine est l’hymne de la certitude, du contrôle et du confort. La vie de la jeune scientifique était donc réglée de façon logique et mécanique. Le réveil à cinq heures, la tasse de thé bio -sans sucre et sans lait – suivi du rituel des vêtements. Les chaussures, en tout point identiques, attendaient patiemment que leur maitresse ne les porte. Il en était de même pour les tailleurs gris qui semblaient se multiplier à l’infini dans la penderie. Non, rien n’avait préparé Béatrice à ce petit grain de sable qui viendrait enrayer les rouages impeccables de son petit monde…
Ce matin-là, la jeune femme se rendait sur son lieu de travail, quand une camionnette blanche s’était arrêtée à sa hauteur. Deux hommes en étaient brusquement sortis et avaient poussée la scientifique dans le véhicule. Une fois l’effet de surprise passé, elle avait réalisé avec horreur qu’il s’agissait d’un enlèvement. Les mécanismes de survie les plus élémentaires s’étaient engagés.
— Je travaille pour le gouvernement. On va s’apercevoir de mon absence et vous allez avoir de très très gros problèmes. Pour résumer, vous n’avez aucune chance, avait-elle lancé sur le ton de la menace. Deux hommes, assis en face d’elle, l’observaient en silence. L’un d’entre deux, était un vieillard. Les traits de son visage étaient durs et sa peau tannée. Ses longs cheveux blancs ne parvenaient pas totalement à adoucir ce portrait. Ses yeux étaient perçants que ceux d’un aigle. En dépit de son âge, on sentait sa grande force. Un jeune homme se tenait à ses côtés, Béatrice décela une certaine ressemblance entre les deux individus. Il tentait de lui sourire timidement pour la rassurer. Cette situation était bizarre. L’esprit de la jeune femme analysa froidement la situation. Ils n’avaient pas d’armes et ils ne l’avaient pas menacée, même pas touchée. Non, ils se tenaient à distance et lui témoignaient un certain respect. Elle se serait presque sentie en confiance.
— Haï ! s’exclama mystérieusement le vieil homme.
La scène, avec sa pointe de suspens, aurait pu être tirée d’un épisode des X-Files, quelques secondes avant l’annonce des publicités.
— Pardon ? finit-elle par répondre, embarrassée. La jeune femme ne comprenait pas ce qu’il disait.
— Cela veut dire hiver en Navarro. Atsà, mon grand-père, dit qu’on a volé l’hiver.
En temps normal, Béatrice n’aurait pas pu réprimer un fou-rire. Cependant, elle ne voulait pas les blesser.
— Écoute… Je suis desolée, j’ignore ton nom. Moi, c’est Béatrice en passant.
— Maïïtsoh, le mot pour « loup » lança-t-il avec un grand sourire.
— Maïïtsoh, il est encore temps d’arrêter ce véhicule et je ne parlerai à personne de… cette rencontre. Je ne sais pas ce que vous voulez mais je ne suis pas psychiatre ou même Harry Potter !
Le regard de Maïïtsoh se voila de tristesse.
— Atsà et moi, nous ne te voulons aucun mal. Il doit obéir à sa vision pour que tu comprennes et que tu nous aides. Tu as ma parole, bientôt tu retrouveras ta liberté.
Tous les voyants du tableau de bord de son esprit rationnel auraient dû virer au rouge. Cependant, Maïtsoh avait l’air sincère et elle se sentait étrangement en sécurité. La camionnette s’arrêta brusquement. Ils descendirent. Les plaines du Nouveau Mexique s’étendaient à perte de vue, comme une constellation de galaxies infinies. Le silence. La brise et ses murmures indicibles.
Atsà s emit à parler et Maïtsoh se mit à traduire aussitôt.
— Jadis, mes ancêtres ont aimé cette terre et elle les a nourris en retour. Tout est un cercle, femme blanche. Le soleil, la lune, le vent qui tourbillonne sur lui-même. Tout est un cycle. La pluie et la sècheresse, la joie et la peine, la vie et la mort. L’un n’a de sens que par rapport à l’autre. Celui qui n’aime pas, possède par la force. Il vit seul sans savoir qui il est. Sans savoir où il va. Si tu veux comprendre ce qui t’entoure, observe et ressens.
La jeune femme regarda autour d’elle. La grande beauté du paysage ne parvenait pas à masquer sa tristesse. Béatrice ôta ses chaussures à talons qui lui paressaient si étroites à présent. Elle posa son pied nu sur le sol craquelé et sentit les blessures de la Terre-mère. Elle caressa l’herbe cassante et jaunie, sèche comme une rivière tarie.
On a volé l’hiver.
La phrase du vieil indien résonna dans son esprit. Il suffisait d’ouvrir un journal ou d’allumer une télévision pour se rendre compte que le climat était devenu un jouet cassé, une machine folle qui s’était emballée. Inondations, sècheresses, famines, déforestation, des torrents de boue et de morts… Il était si facile de se cacher derrière une armée de statistiques qu’on pouvait manipuler à sa guise. Les faits étaient là. Au fur et à mesure que la planète se réchauffait, le cœur des hommes se durcissaient. Béatrice ressentit à nouveau la souffrance du monde. Ce fut brutal. Une larme coula le long de ses joues. Maïtsoh lui prit doucement la main. Sans les mots, ils se comprenaient. Où plutôt, ils comprenaient leurs maux. Leur âme à nu, ils se virent pour la première fois. Lui, la peau cuivrée par le soleil, fait de terre, d’intuitions et de visions. Elle, blanche comme la neige, le fruit de la raison et du rationalisme. Ils étaient l’homme et la femme qui écriraient la suite de l’histoire. Tout se complète et s’unit. La vie, la mort et la seule émotion à les rendre supportables, l’amour. Atsà murmura quelques mots.
— Il dit que tu parles leur langage. Tu dois leur dire avant qu’il ne soit trop tard.
Elle acquiesça. Béatrice le savait, cette expérience était un moment clé de son existence. Plus rien ne serait comme avant. A l’hiver du cœur, venait de succéder la promesse du printemps. Celle d’un second souffle, d’une renaissance.

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Ryuichi Sakamoto, le piano et la recherche de la paix intérieure.

Voici ma dernière obsession musicale qui correspond à ma recherche intérieure. Il y aurait tellement à dire sur la douceur de cette mélodie particulièrement apaisante.

Seuls le piano et son langage pourront sauver le monde à une époque où on se comprend de moins en moins.

C’est un peu le paradoxe d’une époque où les réseaux sociaux n’ont jamais été aussi nombreux et puissants.

Le piano ou l’ Empire du milieu, le parfait équilibre, la paix intérieure. Surtout quand on se sent perdu au beau milieu d’une tempête. tiraillé par le doute, en état d’épuisement moral et physique. Les raisons sont multiples. À cause du travail, à cause de soucis familiaux. Parfois, c’est entièrement de notre faute. À force de toujours donner, de faire passer les besoins des autres avant les siens, on finit par se vider et par réaliser que la seule personne capable de prendre soin de vous, n’est que vous-même.

Quel est le lien entre le piano, l’harmonie intérieure, les gens et cet article ?

Écoutes la mélodie et ce qu’elle dit. Tout est une question d’équilibre. Alors, donne sans t’oublier. Aime, oui aime mais sans te consumer. Aie du cœur mais ne laisse personne le briser.